S’approprier l’évènement en le traitant au travers de la vision objective de quelques protagonistes, éclaire cette tragédie d’une toute autre façon.
En personnalisant la douleur par la description des sentiments ressentis par ce petit groupe de sinistrés, il la rend beaucoup plus palpable, bien plus factuelle.
Le souvenir que j’ai pour ma part de cette catastrophe est assez flou.
Logorrhée de commentaires apocalyptiques, diffusion massive d’images impressionnantes, surmédiatisation qui malgré son dirigisme dramatique n’a pas réussi à me toucher vraiment.
Le trop, rend commun ce qui est rare. L’image devient un outil de globalisation, le moi se dilue dans la masse pensante, invalidant de fait toute objectivisation des choses.
Cette vision prismatique nous ampute de tout repère socioculturel pouvant réellement amener à comprendre les faits, mais surtout les êtres-humains.
Comment éprouver un quelconque sentiment lors d’une situation dépourvue de toute ritualisation sociale ?
C’est ce que réussi à résoudre E. Carrère d’une brillante manière.
En vivant le quotidien de ces personnages, nous retrouvons nos repères communautaires : l’horreur de la perte d’un conjoint, d’un enfant, les larmes, le mutisme de ce corps que l’on voudrait réconforter mais qui se dérobe…
L’individualisation d’un fait nous en rapproche, notre pouvoir d’empathie peut enfin nous aider à percevoir l’horreur dans toute sa froide clarté : s’identifier, c’est comprendre.
Je vous conseille vivement la lecture de ce merveilleux roman, qui ne parle pas que de tsunami, mais plutôt d’autres vies que les nôtres…
Commentaires
Excellent livre, une justesse incroyable pour aborder l'émotion, l'injustice sociale, les deuils. Avec Jan Karski, c'est ma meilleure lecture récente !
J'ai dévoré ce livre. En quelques heures. Mr Carrère laisse plâner la mort dans le sillage de ses mots mais sans jamais verser dans le pathos. En effet, sa description du tsunami, des heures qui ont suivies et des évènements qui en ont découlés, sont prodigieusement légères, personnelles aussi.
Je ne connaissais pas l'auteur avant de lire ce bouquin. Je suis restée scotchée.